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Wilfried Denoizay, ingénieur études de réseau à Rte. Elu administrateur salarié parrainé par la CFDT.

09 Jun

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

Publié par Energie_cvous

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

Avec la CFDT et mes homologues administrateurs salariés d’ENEDIS et d’EDF, nous avons répondu à la consultation publique de la CRE (commission de régulation de l’énergie) relative au schéma décennal de développement du réseau (de transport d’électricité).

 

Ainsi avons-nous clairement défendu et salué le plan qui figure dans ce schéma. Il doit en effet permettre à toute une filière industrielle de se mettre en ordre de marche afin d’atteindre, à temps, les objectifs en matière de lutte contre le changement climatique. Et la CRE, acteur décisionnaire central dans cette affaire, doit aussi clairement assumer son rôle en donnant de la visibilité aux acteurs. Et pas seulement, comme elle le suggère dans sa consultation, valider « annuellement » des investissements qui, eux, se profilent sur plus de 10 années. Faute de quoi personne ne s’engagera vraiment dans les grands défis portés par le SDDR et le risque est grand d’échouer à atteindre nos objectifs.

 

Par ailleurs, la CRE préconise le recours à la valeur du marché européen du carbone (EU-ETS) pour évaluer l’utilité des investissements de RTE. La CFDT a vivement contesté cette approche qui consiste à se référer à un marché notoirement défaillant pour décider d’investissements stratégiques. Elle plaide, comme RTE dans son SDDR, pour un recours à une valeur tutélaire du carbone qui ne « ment » pas sur la valeur réelle de l’inaction contre le réchauffement climatique. Charge à la CRE d’expliquer aux législateurs français et européen en quoi l’EU-ETS n’apporte pas les garanties suffisantes pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris lors de la COP21.

 

Vous trouverez ci-dessous le détail de la réponse postée sur le site de la CRE.

 

Liens :

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

La CFDT plaide pour un accroissement des relations entre la CRE et les corps intermédiaires, notamment les organisations syndicales. Car la transition énergétique ne pourra se faire qu’avec les salariés et la société civile. C’est pourquoi la CFDT participe activement aux travaux du Comité Prospective organisé par la CRE et que, partout où elle le peut, elle plaide pour une transition juste qui doit concilier la lutte contre le changement climatique et la justice sociale.

 

La CFDT considère que l’avis de la CRE sur le schéma décennal de développement du réseau de transport (SDDR), requis par les textes, est important pour donner de la visibilité aux salariés du secteur de l’énergie et plus généralement aux citoyens. Cet avis doit en effet permettre de définir un horizon clair et concerté, une référence à un instant donné, afin de guider l’action pour une transition énergétique juste.

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

Concernant le fond du dossier soumis à consultation, tout comme la CRE la CFDT salue le travail remarquable réalisé par les salariés de RTE qui ont élaboré le SDDR 2019. Le dossier expose clairement les éléments d’une contribution optimale du réseau de transport d’électricité à la transition énergétique, dont la feuille de route est fixée par la programmation pluriannuelle de l’énergie, laquelle s’inscrit dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC) instituée par la loi de transition énergétique de 2015. Cette stratégie vise une réduction drastique des émissions nationales de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, afin .de respecter l’accord de Paris. Cet objectif est d’ailleurs repris au niveau européen avec la « loi climat », première brique du Green Deal piloté par la commission européenne.

 

Pour la CFDT, le SDDR éclaire parfaitement la collectivité sur les implications des choix démocratiques en matière de transition énergétique sur le réseau de transport d’électricité à l’horizon d’une décennie et même au-delà. La CFDT a d’ailleurs émis un avis favorable aux orientations stratégiques de l’entreprise qui s’inscrivent pleinement dans la trajectoire décrite par le SDDR en agissant sur les 5 enjeux prioritaires que sont : l’adaptation du réseau (aux ENR, aux nouveaux usages, etc), le renouvellement (du « réseau du quotidien »), la planification des raccordements offshore (avec l’intégration de « hubs »), les interconnexions et la numérisation.

 

Avec le souci d’une utilisation optimale des ressources, la CFDT rejoint l’analyse préliminaire de la CRE qui est favorable :

  • au recours à des écrêtements limités de production ENR (gain de 7Mds€) ;
  • à une gestion fine des actifs pour prolonger la durée de vie des ouvrages ;
  • au séquencement des projets d’interconnexion en fonction du bénéfice attendue ;
  • à une planification maîtrisée et accrue du développement des ENR.
Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

Elle demande néanmoins à ce que la CRE ne se concentre pas uniquement sur les leviers d’économie, mais intègre l’ensemble du paysage dressé par le SDDR et la vision pluriannuelle qu’il déploie.

 

A ce titre, elle souligne que, bien qu’optimisés, les investissements envisagés nécessiteront un accroissement des ressources dévolues à RTE. De plus, le cap industriel donné par le SDDR, et validé par la CRE, doit être le plus stable possible. En effet, il doit donner le maximum de visibilité à l’ensemble du tissu industriel qui devra mettre en œuvre ce programme. Autrement dit, la CFDT veillera à ce que les salariés du secteur de l’énergie, notamment ceux du secteur des réseaux électriques, ne soient pas livrés à des injonctions contradictoires en devant assumer des missions pour lesquelles les moyens nécessaires ne leur seraient pas alloués. Compte-tenu des enjeux dont il est question ici, la responsabilité des choix opérés doit être clairement partagée et assumée.

 

La CFDT souhaite aussi apporter des compléments et des arguments contradictoires sur certains aspects mis en évidence dans la consultation.

 

Concernant l’intégration des « flexibilités » (chapitre 4 de la consultation), la CFDT souscrit à l’idée de la CRE qu’une coopération accrue entre RTE et les GRD est nécessaire afin d’assurer le recours aux flexibilités qui permettront de limiter les coûts de développement : « chaîne de pilotage » des automatismes des écrêtements des ENR, recours au pilotage de la recharge des véhicules électriques, flexibilités pour la gestion de tension, recours coordonné entre RPT et RPD aux flexibilités offertes par le marché, etc.

 

Pour la CFDT, cette coopération entre gestionnaires de réseaux est cruciale et doit être considérablement renforcée pour réussir la transition énergétique. Ce qui manque aujourd’hui c’est une vision stratégique partagée entre RTE et les GRD, plus large, au-delà du seul pilotage de la production d’ENR. Cette coopération pourrait porter notamment sur un cadre commun de marché pour les acteurs pouvant proposer des flexibilités, les innovations technologiques, la gestion des données, la cybersécurité, le rythme de déploiement de la mobilité électrique, les relations avec les territoires, des parcours professionnels croisés et plus diversifiés, etc.

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

Concernant la valeur économique à attribuer aux émissions de gaz à effet de serre, la CFDT ne partage pas le souhait exprimé par la CRE de substituer une valeur du marché européen du carbone (EU-ETS) à la valeur tutélaire du carbone définie par le rapport Quinet de 2008 utilisée dans le SDDR 2019 (soit 100€/tonne CO2). Les raisons en sont les suivantes.

 

Le système d’échange européen de quotas carbone (EU-ETS), auquel la CRE préconise de se référer, est notoirement défaillant du fait d’un calage des volumes de quotas trop élevé et incompatible avec les trajectoires que l’UE a elle-même fixées. Chacun reconnaît aujourd’hui l’incapacité du système EU-ETS à envoyer les signaux de long terme pertinents pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris. Le prix du carbone sur ce marché résulte des rapports de force politiques qui ont présidé à l’établissement des volumes de quotas et n’est pas représentatif de l’impact réel qu’auront ces émissions sur le climat. L’ACER elle-même le reconnaît dans son dernier avis sur les lignes directrices d’ENTSOE relatives aux analyses coût-bénéfice des projets de développement de réseau (notes (45) à (47) de son avis de mars 2020). Ces graves difficultés avaient d’ailleurs été pointées lors des discussions sur le 4e paquet Energie propre pour tous les européens. Les tentatives de rapprochement des deux logiques n’ont pour l’heure pas abouti. Le système EU-ETS actuel, et même ses projections à 2030, ne peuvent donc pas servir de paramètre de long terme pour montrer la voie et définir les investissements de long terme tels que ceux décrits dans le SDDR.

 

Par ailleurs, la CRE souligne que les investissements réalisés en s’appuyant sur la valeur tutélaire du carbone seraient sans effets sur les émissions de CO2 à la maille européenne, du fait du mécanisme de transfert de quotas lié au marché. Mais cet argument n’est valable que si l’on considère que les plafonds seront systématiquement atteints dans les années à venir, et le cas échéant il conduit également à la conclusion qu’aucune valeur du carbone ne permet de guider les investissements interagissant avec l’EU-ETS, pas même une valeur déduite du système EU-ETS. En effet, quelle que soit la valeur prise, ce raisonnement suppose que les transferts de quotas s’opéreront sur le marché jusqu’à l’atteinte du plafond d’utilisation.

 

La CRE pointe également le fait que les investissements réalisés en s’appuyant sur la valeur tutélaire du carbone seraient trop importants par rapport à ceux qui seraient réalisés sur la base d’une valeur de marché. La CFDT ne partage pas cet avis : l’utilisation d’une valeur de marché (ou d’une de ses projections sans mesures correctives) conduirait à sous-évaluer les investissements à réaliser et ainsi à ne pas contribuer aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre à la hauteur attendue. La CFDT pointe aussi le fait que c’est la valeur tutélaire de 2008 à 100€/tonne CO2 en 2030 qui a été utilisée dans le SDDR, valeur bien inférieure à la nouvelle « valeur d’action pour le climat » fixée à 250€/tonne CO2 en 2030. Du point de vue des dépenses d’investissement envisagées, le SDDR est sans doute même déjà « prudent ».

Schéma décennal de RTE : pour la CFDT, la CRE doit être claire !

La CFDT recommande donc de maintenir l’utilisation d’une valeur tutélaire du carbone dans les méthodes de valorisation des investissements du réseau de transport d’électricité. Elle demande à la CRE de continuer à « éclairer l’avenir » et d’expliquer aux autorités gouvernementales et au Parlement les difficultés que le système EU-ETS génère, et les mesures correctives qu’il faudrait y apporter afin qu’il n’inhibe pas les efforts de réduction guidés par les investissements. Ces mesures pourraient consister en la réduction volontaire des quotas correspondant aux gains attendus. Elle demande également à la CRE de sensibiliser les acteurs au niveau européen afin de lever ces difficultés et d’y étendre le principe d’utilisation de la valeur tutélaire du carbone.

 

La CFDT se tient à la disposition de la CRE pour évoquer avec elle ce dossier.

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D
Pour aller plus loin sur l’analyse de l’EU-ETS voir ici : <br /> <br /> https://www.i4ce.org/download/letat-du-marche-carbone-europeen-edition-2019/<br /> <br /> Ce qu’il faut retenir :<br /> <br /> « Si les émissions de GES couvertes par l’EU ETS ont repris leur tendance à la baisse, dans le secteur de production d’électricité surtout et dans l’industrie plus marginalement, le rôle effectif joué par l’EU ETS dans cette baisse demeure incertain. Le surplus de quotas demeure important, mais la réforme de 2018 et la mise en oeuvre de la MSR ont conduit à une hausse du prix des quotas et une plus grande crédibilité du marché aux yeux des acteurs. Il reste encore de nombreux défis pour l’EU ETS , à commencer par son rôle dans la décarbonation de long-terme de l’UE et son articulation avec les autres politiques énergie-climat. »
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Wilfried Denoizay, ingénieur études de réseau à Rte. Elu administrateur salarié parrainé par la CFDT.